Manon Juillet
Grégoire Leroy Noiton
Sara Negra
Zeineb Ouertani
Guillaume Tisserand
« Igitur signifie donc, donc il dit la méthode et son travail de consécution logique. Mais Igitur ne dit que la consécution suspendue : nous ne savons jamais si nous disons donc pour conclure un mouvement passé (l’effet d’une généalogie) ou pour commencer un mouvement à venir (l’appel à une généalogie). Igitur est suspendu entre deux temporalités, entre deux âges, […] Igitur nous apprend la peur inhérente à tout acte de pousser une porte, à tout acte d’arpenter un lieu dont le plan n’est pas donné ».
Georges Didi-Huberman, La Demeure, la souche : apparentements de l’artiste, Les Éditions de Minuit, Paris, 1999.
C’est peut-être l’apanage de toute jeunesse contemporaine que de se sentir mal à l’aise face à l’état présent de leur discipline, mais surtout de leur milieu. Cependant, au lieu de se poser en opposition systématique au passé et à ceux qui nous précèdent, notre démarche cherche à identifier un langage commun, un ancrage originel pour mieux nous définir en tant que champ. Ce projet d’exposition est alors né de nos réflexions en fin d’études, d’une frustration partagée qui s’est développée au fil des années et qui, paradoxalement, est devenue motrice de projet.
Homogénéité de la pratique.
Selon nous, l’Architecture ne nous a jamais été définie ou délimitée lors de nos études. Pourtant la manière dont elle est représentée tend vers une homogénéité de sa pratique et de ses objets qui nous échappe. De là notre définition personnelle se heurte à cette uniformisation qui traduit une vision encore « moderne » de la notion de projet et de la sur-représentation d’une certaine pratique. Le projet d’architecture est dévoyé : sa modification à jamais du réel ne va pas dans le sens d’une amélioration de nos conditions d’existence à tous. L’Architecture est institutionnalisée comme une discipline autonome de toute logique idéologique. Or, il semblerait qu’elle soit l’illustration d’un dévoiement du langage et des images propres à une société qui continue de s’éloigner de nos espérances.
L’archaïsme comme futur.
C’est dans cet espace de divergence que s’ouvre notre projet d’exposition. En abordant l’architecture par des prismes qui nous touchent individuellement – désirs, mort, vitesse, et absurde – chacun développe un langage qui lui est propre, nourri d’un contexte théorique puisé dans l’art, la philosophie et l’architecture. Cette démarche vise à transcender les conventions actuelles en revenant à une forme d’archaïsme créatif, une rupture pour mieux cerner nos pratiques, nos productions, nos pensées et définir notre identité collective.
Jeunesses en nouvelles pratiques.
À l’aube de notre parcours professionnel, nous naviguons entre une pratique en émergence et un positionnement parmi une multitude de courants théoriques. Selon nous, l’adversité est d’unir ces dimensions car une discontinuité persiste trop souvent entre un positionnement critique et une production cohérente. En s’inscrivant dans le prolongement d’une pensée ou ayant un regard sur une histoire de l’architecture, nous donnons à nos projets un sens de continuité. Le Donc nous relie au passé tout en engageant une action dans le présent. Il est nécessaire pour entériner une nouvelle ère par le passage à l’acte. La réflexivité conceptuelle, comme esthétique, est dès lors nécessaire.
De projet en objets.
C’est ainsi que se dessinent des projections claires : chaque projet devient à la fois une expérimentation de pensée appliquée à des objets spécifiques, et une interrogation sur l’éthique de ces objets face à leur positionnement dans cette réflexion. La notion de projet en architecture s’incarne ainsi dans des objets, qui forment des fragments autonomes d’une narration collective et qui s’inscrivent dans une généalogie où la dimension spatiale et environnementale prend forme au travers divers médias, affinant les contours de ce que nous définissons comme notre champ.
L’événement d’une exposition.
Tout reste à écrire, mais il faut bien commencer quelque part. Aujourd’hui, nos projets ne peuvent s’arrêter à l’instant du diplôme, et il semblerait, suite à une nouvelle prise de recul, qu’ils soient seulement à leur genèse. Igitur permettrait de réexaminer, d’étendre et de faire émerger de nouvelles formes de production, des pratiques inédites. La galerie comme cadre d’exposition nous engage dans une perspective évolutive et nous permet de dialoguer avec nos pairs, présents et futurs, par la progression de nos pratiques individuelles.